Article tiré du manuel Merck. CERVICALGIES, DORSALGIES, LOMBALGIESLes cervicalgies, les dorsalgies et les lombalgies sont parmi les motifs les plus fréquents de consultation chez le médecin. Ce chapitre traite des cervicalgies d'origine rachidienne (pas les douleurs limitées au cou antérieur) et ne traite pas des traumatismes majeurs (p. ex. fractures, luxations, sub-luxations).PHYSIOPATHOLOGIESelon la cause, les cervicalgies, les dorsalgies et les lombalgies peuvent être accompagnées de symptômes neurologiques.Si une racine nerveuse est touchée, la douleur peut irradier en distal suivant le trajet de la racine (elle est alors appelée douleur radiculaire, pouvant au niveau lombaire prendre la forme d'une sciatique). La force musculaire, la sensibilité et les réflexes de la zone innervée par la racine peuvent être perturbés. Si la moelle épinière est touchée, la force musculaire, la sensibilité et les réflexes peuvent être pertubés au niveau lésionnel de la moelle épinière, mais également aux étages sous-jacents (déficits neurologiques segmentaires). Si la queue de cheval est touchée, les déficits segmentaires se manifestent dans la région lombo-sacrée, généralement avec une perte des fonctions intestinales et vésicales, une perte de la sensibilité de la région péri-anale, une dysfonction érectile, une rétention urinaire, ainsi que la perte du tonus rectal et des reflexes sphinctériens (p. ex. réflexe bulbo-caverneux, réflexe anal). Toute pathologie douloureuse de la colonne vertébrale peut entraîner une contracture réflexe (spasme) des muscles paravertébraux, qui peut être extrêmement douloureuse. ÉTIOLOGIELa plupart des cervicalgies, des dorsalgies et des lombalgies sont la conséquence de pathologies vertébrales. La fibromy algie est également une cause fréquente. Parfois, la douleur irradie à partir de pathologies extravertébrales (en particulier, les pathologies vasculaires, gastro-intestinales ou uro-génitales). Quelques causes rares (vertébrales et extravertébrales) sont graves.La plupart des pathologies vertébrales sont d'origine mécanique. Les pathologies non mécaniques, comme l'infection, l'inflammation ou le cancer sont rares. Causes fréquentes :la plupart des pathologies vertébrales mécaniques responsables de cervicalgies, de dorsalgies ou de lombalgies sont la conséquence d'une lésion mécanique non spécifique : fatigue musculaire, entorse d'un ligament, spasme, ou une combinaison de ces facteurs.Seules 15 % environ sont la conséquence de lésions structurales clairement à l'origine des symptômes, notamment les suivantes :
Causes rares et graves :les causes graves peuvent nécessiter une prise en charge rapide afin de prévenir l'invalidité ou le décès.Les pathologies extravertébrales graves comprennent les maladies suivantes :
Autres causes rares :les cervicalgies, les dorsalgies et les lombalgies peuvent êt re la conséquence de nombreuses autres pathologies, comme la maladie de Paget osseuse, le torticolis, le syndrome de la traversée thoraco-brachiale, le dysfonctionnement de l'articulation temporo-mandibulaire, un zona et les spondyloarthropathies (la spondylarthrite ankylosante le plus souvent, mais aussi les arthrites de maladies inflammatoires digestives, les arthrites psoriasiques, les arthrites réactionnelles ainsi que la spondylarthropathie indifferentiée).ÉVALUATIONLa cause étant souvent multifactorielle, un diagnostic définitif ne peut être établi chez de nombreux patients. Toutefois, les cliniciens doivent répondre aux questions suivantes si possible :
ANAMNÈSEL'étude de l' histoire de la maladie doit porter sur le type, le début, la durée, la sévérité, la localisation, l'irradiation et l'évolution dans le temps de la douleur, ainsi que sur les facteurs aggravants ou soulageants comme le repos, l'activité, les changements de position, le port de poids et l'heure de survenue (p. ex. la nuit, au réveil). Les symptômes associés à noter sont la raideur, l'engourdissement, les paresthésies, la faiblesse, la rétention urinaire et l'incontinence.L' examen systémique doit noter les symptômes évocateurs d'une étiologie spécifique, dont la fièvre et les frissons (infection) ; la perte de poids et une anorexie (infection ou cancer) ; une fatigue, des symptômes dépressifs et des céphalées (dorsalgies ou lombalgies mécaniques multifactorielles) ; une aggravation des cervicalgies au cours de la déglutition (pathologie œsophagienne) ; une anorexie, des nausées, des vomissements et des modifications du transit (pathol ogie digestive) ; des symptômes urinaires et des douleurs des fosses lombaires (pathologie des voies urinaires) ; une toux, une dyspnée, une aggravation lors de l'inspiration (pathologie pulmonaire) ; un saignement ou un écoulement vaginal et des douleurs rythmées par le cycle menstruel (pathologie pelvienne). Les antécédents médicaux doivent prendre note des pathologies cervicales, dorsales ou lombaires connues (dont ostéoporose, arthrose, pathologies discales, traumatismes anciens ou récents), des antécédents chirurgicaux, des facteurs de risque pour les pathologies vertébrales (p. ex. cancer, ostéoporose), des facteurs de risque d'anévrisme (p. ex. tabagisme, hypertension), et des facteurs de risque infectieux (p. ex. immunosuppression, utilisation de drogue IV, chirurgie récente, traumatisme pénétrant ou infection bactérienne). EXAMEN CLINIQUELa température et l'état général sont notés. Dans la mesure du possible, les patients doivent être observés de façon discrète lors de leurs déplacements dans la salle d'examen, lors du déshabillage et de l'installation sur la table d'examen. Si les symptômes sont aggravés par des facteurs psychologiques, l'atteinte peut être évaluée de façon plus précise quand les patients ne savent pas qu'on les observe.L'examen se focalise sur la colonne vertébrale et l'examen neurologique. Si aucune cause mécanique de la douleur n'est évidente, on recherche une cause de douleur irradiée. Examen vertébral :le dos et le cou sont inspectés pour recherche de toute déformation visible, d'une zone d'érythème ou d'éruption vésiculaire. La colonne vertébrale et les muscles paravertébraux sont palpés pour recherche d'une sensibilité ou d'un spasme musculaire. On apprécie sommairement l'amplitude des mouvements.Examen neurologique :la forc e musculaire et les réflexes ostéo-tendineux sont testés. Chez les patients présentant des symptômes neurologiques, la sensibilité et la fonction des nerfs sacrés (p. ex. tonus rectal, réflexe anal, réflexe bulbo-caverneux) sont testées. Ces tests sont parmi les tests cliniques les plus fiables pour confirmer une absence d'atteinte de la moelle épinière. Une atteinte des voies pyramidales est indiquée par le réflexe cutané plantaire et le signe de Hoffman. Pour rechercher le signe de Hoffman, le clinicien donne une chiquenaude sur l'ongle ou la face palmaire du 3 doigt ; si la phalange distale du pouce fléchit, le test est positif et signe généralement une atteinte des voies pyramidales secondaire à une sténose de la moelle épinière cervicale. Les troubles sensoriels sont subjectifs et peuvent ne pas être fiables.La manœuvre de Lasègue peut confirmer un diagnostic de sciatique. Le patient est en décubitus dorsal avec les deux genoux en extension et les chevilles en dorsiflexion. Le clinicien soulève la jambe atteinte, tout en gardant le genou en extension. Si une sciatique est présente, une élévation de 10 ° à 60 ° déclenche les symptômes. Pour la manœuvre de Lasègue croisée, la jambe non atteinte est soulevée ; le test est positif si les douleurs de sciatique apparaissent à la jambe atteinte. Le signe de Lasègue est sensible mais non spécifique de hernie discale ; le signe de Lasègue croisé est moins sensible mais plus spécifique. Le test de Lassègue assis est réalisé avec le patient assis avec la hanche fléchie à 90 ° ; la partie inférieure de la jambe est soulevée lentement jusqu'à ce que le genou soit complètement en extension. Si une sciatique est présente, la douleur se déclenche lors de l' extension du genou. L'examen du rectum et un test des selles pour recherche de sang occulte, et chez les hommes, un examen de la prostate, doivent être réalisés. Chez les femmes ayant des symptômes évoquant une pathologie pelvienne, ou qui ont une fièvre inexpliquée, un examen pelvien est réalisé. Les pouls des membres inférieurs sont palpés. Les signes suivants sont, sans caractère absolu, en faveur de l'origine vertébrale des douleurs :
D'autres signes sont également utiles. Un érythème et une sensibilité en regard de la colonne vertébrale évoquent une infection, particulièrement chez les patients qui ont des facteurs de risque. L'aggravation de la douleur à la flexion est compatible avec une pathologie discale ; l'aggravation à l'extension évoque une sténose vertébrale, une arthrose touchant les articu lations interapophysaires postérieures, ou une inflammation ou infiltration rétropéritonéale (p. ex. inflammation pancréatique ou rénale, ou une tumeur). Une sensibilité à la palpation de certaines zones gachettes évoque une fibromyalgie. Des déformations des articulations digitales interphalangiennes proximales et distales associées à une raideur articulaire qui diminue dans les 30 min après le réveil évoque une arthrose. Une cervicalgie qui n'est pas liée aux efforts de déglutition et qui apparaît à l'effort indique un angor. Les radiographies simples identifient la plupart des fractures ostéoporotiques et des arthroses. Cependant, elles ne permettent pas d'identifier les anomalies des tissus mous (la cause la plus fréquente de cervicalgies et de dorsalgies) ou du tissu nerveux (ce qui est le cas dans de nombreuses pathologies graves). Ainsi, les radiographies simples ne sont pas nécessaires la plupart du temps et ne modifient pas la prise en charge. Parfois, les radiographies sont réalisés pour identifier des anomalies osseuses évidentes (p. ex. celles secondaires à une infection ou une tumeur), et pour éviter une IRM ou une TDM, qui sont plus difficiles à obtenir, mais qui sont beaucoup plus précises et qui s'avèrent nécessaires la plupart du temps. Les examens sont guidé s par les résultats et la cause suspectée :
Au plan symptomatique, les douleurs musculo-squelettiques aiguës (avec ou sans douleurs radiculaires) sont traitées par :
Les spasmes musculaires aigus peuvent aussi être soulagés par le froid ou la chaleur. Le froid est g énéralement préféré à la chaleur pendant les 2 premiers jours suivant un traumatisme. La glace et les poches de glace ne doivent pas être appliquées directement sur la peau. Elles doivent être emballées (p. ex. dans du plastique) et placés sur une serviette ou un torchon. La glace est retirée après 20 min, puis appliquée de nouveau pendant 20 min sur une période de 1 h à 1 h 30. Ce processus peut être répété plusieurs fois pendant les 24 premières heures. La chaleur, au moyen d'un coussinet chauffant, peut être appliquée selon le même schéma. La peau du dos pouvant être insensible à la chaleur, les coussinets de chauffage doivent être utilisés avec précaution afin d'éviter des brûlures. Il est recommandé aux patients de ne pas utiliser un coussinet chauffant au coucher afin d'éviter une exposition prolongée due à l'endormissement avec le coussinet en place. La diathermie peut aider à réduire les spasmes musculaires et la douleur après la phase aiguë. Les myorelaxants par voie orale (p. ex. cyclobenzaprine [NDT : n'est pas commercialisée en France ] , méthocarbamol, métalaxone [NDT : n'est pas commercialisé en France ] ) sont d'utilisation controversée. Les avantages de ces médicaments doivent être pesés contre leurs effets indésirables, neurologiques et autres, surtout chez les personnes âgées qui peuvent subir des effets indésirables plus graves. Même si une diminution de l'activité pendant une courte période initiale (p. ex. 1 à 2 j) est nécessaire pour des raisons de confort, le repos au lit prolongé, la traction vertébrale et les corsets ne sont pas bénéfiques. Les patients ayant un torticolis sévère peuvent être soulagés par le port d'un collier cervical et l'usage d'un oreiller médical jusqu'au soulagement de la douleur, et ils peuvent participer à un programme de stabilisation. Les manipulations de la colonne vertébrale peuvent soulager les douleurs secondaires à des spasmes musculaires ou à des traumatism es aigus du cou ou du dos ; toutefois, certains types de manipulation comportent des risques pour les patients qui ont des pathologies discales ou une ostéoporose. Quand la douleur aiguë est suffisamment atténuée pour permettre la mobilisation, un programme de stabilisation lombaire est entrepris. Ce programme comporte des exercices qui renforcent les muscles abdominaux et lombaires, ainsi que des conseils ergonomiques ; l'objectif est de renforcer les structures de soutien du rachis et de réduire les risques de chronicité ou de récurrence des troubles. Les cliniciens doivent rassurer les patients ayant des rachialgies musculo-squelettiques non spécifiques, en les informant que le pronostic est bon et que l'activité physique et l'exercice sont sans risque même s'ils peuvent entraîner une certaine gêne. Les cliniciens doivent être rigoureux, gentils, fermes, et ne pas porter de jugement. Si la dépression ou des bénéfices secondaires persistent pendant plusieurs mois, une évaluation psychologique doit être envisagée. Un anévrisme de l'aorte abdominale (ainsi qu'un scanner ou une échographie afin de le détecter) doit être envisagé chez le patient âgé souffrant d'une lombalgie non traumatique, même si aucun signe évocateur n'est présent à l'examen clinique. Une imagerie de la colonne vertébrale peut être souhaitable chez les patients âgés (p. ex. pour éliminer un cancer), même si la cause semble être des douleurs musculo-squelettiques non compliquées. Les myorelaxants par voie orale (p. ex. cyclobenzaprine, méthocarbamol, metaxalone) sont d'utilisation controversée ; les effets indésirables anticholinergiques, sur le SNC et autres, peuvent prendre le pas sur les bénéfices éventuels chez les personnes âgées. Auteur : Abdoul Karim CHIRARA
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Janvier 2018
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